Paris

Pour la première fois en France, une exposition est consacrée aux Tudors, cette dynastie qui a régné sur l’Angleterre entre 1485 et 1603. Elle met à l’honneur les portraits qui dévoilent leur vrai visage et leur habileté à construire une image à la hauteur de leurs ambitions. A travers ces figures de pouvoir, le spectateur découvre la Renaissance anglaise et un tournant, particulièrement célèbre, dans l’histoire de l’Angleterre.

L’exposition offre aussi l’occasion unique d’évoquer les échanges, mêlant l’art et la diplomatie, qui enrichirent les rapports entre la France et l’Angleterre tout au long du XVIe siècle. Elle propose parallèlement de décrypter la célébrité des Tudors, particulièrement vive dans la France du XIXe siècle où peintres et dramaturges mettent en scène leurs vies hors du commun, annonçant le succès que des monarques comme Henri VIII ou Elisabeth Iere rencontreront sur les écrans au XXe siècle.

Exposition co-organisée par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais et la National Portrait Gallery, Londres.

Paris

Throughout 2014, in honour of the 450th anniversary of Shakespeare’s birth, Shakespeare and Company is hosting the Bard-en-Seine Readings. The goal is simple: to revisit and celebrate some of Shakespeare’s most loved plays. So, once a month, we will be hosting informal read-throughs in the library, which will be recorded and sent out as podcasts, so you’ll all be able to share in the theatrical fun.

If you’d like to take part, please email Milly Unwin atmilly@shakespeareandcompany.com, and tell her whether you’d prefer a larger or a smaller role. Parts will be allocated on a first-come first-served basis, and we’ll let you know a week in advance of the reading whether you have a role. No preparation necessary, and we’ll provide the scripts. Please note that, due to space restrictions, the Bard-en-Seine Readings will only be open to those taking part.

The allocated plays for each remaining month of 2014 are as follows:

  • March – The Tempest
  • April – King Lear
  • May – As You Like It
  • June – Henry IV (Part 1)
  • July – A Midsummer Night’s Dream
  • August – Othello
  • September – The Merchant of Venice
  • October – Hamlet
  • November – Twelfth Night
  • December – Anthony and Cleopatra

Please check the newsletter and website each month for dates and times, and details of how to apply.

Moulins

De l’évocation d’un théâtre élisabéthain aux plus beaux costumes d’Hamlet, les différentes facettes de l’univers shakespearien sont dévoilées au Centre national du costume de scène à Moulins. A l’occasion du 450e anniversaire de la naissance de Shakespeare, l’exposition Shakespeare, l’étoffe du monde transporte ses visiteurs à travers les pièces les plus emblématiques de l’auteur le plus joué du théâtre occidental, grâce à un choix de plus de cent costumes portés essentiellement sur les scènes françaises depuis un siècle, de Mounet-Sully aux mises en scène les plus récentes.

Immersion dans un théâtre élisabéthain
Le visiteur débute son parcours en pénétrant dans un espace évoquant le théâtre élisabéthain. C’est dans ces théâtres en bois de forme circulaire, dans lesquels la scène s’avance au milieu du public, que furent jouées la plupart des pièces de Shakespeare. La reconstitution d’un de ces théâtres existe aujourd’hui encore à Londres, c’est le Shakespeare Globe’s Theatre. Cette institution se consacre à la représentation du répertoire élisabéthain dans différents styles, notamment à travers la reconstitution des conditions de représentation de cette époque. On peut ainsi découvrir à Moulins quelques costumes de Richard III dessinés par Jenny Tiramani dans une mise en scène de Tim Carroll.

Douze salles pour apprécier la diversité du monde shakespearien
C’est ensuite le monde shakespearien vu par la scène française qui est proposé aux visiteurs, celui où cohabitent la grande Histoire et le quotidien du peuple, les réalités, les croyances et les songes, le terrestre et l’aérien, le tragique et la farce, le sérieux et le carnaval, le passé et le présent. Rois, reines ou simples soldats, bouffons, sorcières et esprits, jeunes filles travesties, ces personnages racontent par leurs costumes des histoires toujours actuelles d’amour et de trahison, de pouvoir et de liberté, de quêtes et de deuils, d’échecs et de succès. Qu’ils soient historiques ou contemporains, somptueux ou épurés, sobres ou démesurés, ces costumes reflètent le point de vue de metteurs en scène et costumiers de chaque époque sur Shakespeare. Ils racontent un moment de l’histoire des arts de la scène : les interprètes qui les portent sont des comédiens avant tout, mais aussi des chanteurs et danseurs d’opéras et ballets adaptés de Shakespeare.

De grands noms mis à l’honneur
Les costumes portés par les plus grands interprètes, comme Gérard Desarthe en Hamlet, Robert Hirsch en Richard III ou Maria Casarès en Lady Macbeth, permettent au visiteur de découvrir ou redécouvrir les plus grandes interprétations des pièces de Shakespeare, des comédies comme Les Joyeuses Commères de Windsor ou La Mégère apprivoisée, aux tragédies comme Le Roi Lear ou Roméo et Juliette en passant par les drames historiques comme Richard III et Henry VI.
Cette découverte sera réalisée grâce à la présentation de costumes, maquettes et oeuvres originales prêtés par de prestigieuses institutions – La Bibliothèque nationale de France, la Comédie-Française, le Théâtre du Globe à Londres, le Théâtre des Amandiers à Nanterre, la Maison Jean Vilar à Avignon. De grands metteurs en scène – comme Edward Gordon Craig, Charles Dullin, Ariane Mnouchkine, Patrice Chéreau – et costumiers – de Charles Bianchini à Patrice Cauchetier – seront mis à l’honneur dans les vitrines du CNCS animées par le souvenir d’inoubliables moments de théâtre.

Centre national du costume de scène
Quartier Villars – Route de Montilly
03000 MOULINS

Paris

Peter Brook nous explique ce qui fait à ses yeux le génie de Shakespeare et son unicité. Il explore dans son livre La Qualité du pardon son rapport à Shakespeare, à travers ses diverses expériences de lecteur, de metteur en scène débutant confronté à ce monument de la culture occidentale, puis de créateur aguerri et internationalement connu. Par quelques évocations biographiques, il nous conduit au coeur de l’originalité et de la force du dramaturge : comment mêle-t-il tous les registres, comment introduit-il le poétique dans la psychologie ou la politique, et quels problèmes son texte pose-t-il au metteur en scène d’aujourd’hui ?

Peter Brook est né en 1925 à Londres. Il est l’un des plus grands metteurs en scène contemporains. Également théoricien du théâtre, il en a détaillé sa conception dans L’Espace vide. A ses côtés, Jean-Claude Carrière, auteur, scénariste, compagnon de route et traducteur de Peter Brook.

À lire – Peter Brook, La Qualité du pardon – Réflexions sur Shakespeare, traduction de Jean-Claude Carrière, Seuil, avril 2014 – L’Espace vide, Seuil, 2001.

21 mai 2014: Rencontre à la Maison de la Poésie (Paris)

Rencontre animée par Cédric Enjalbert (Philosophie Magazine)

21 mai 2014: Émission sur France-Culture

En direct du studio 114 à la maison Radio France, émission 1/5.

Claude Guerre, réalisateur:

« Je confie la parole de Peter Brook à un jeune acteur-auteur-metteur en scène, Godefroy Ségal, qui, dans la lignée de David Lescot, Gérard Watkins ou Stanislas Nordey, dirige le travail théâtral du point de vue de l’acteur qu’il ne cesse d’être et dans la foi des textes seuls dont il expérimente sans cesse la puissance poétique. Cette vive voix du théâtre d’aujourd’hui a déjà marqué les esprits avec son spectacle Les chiens nous dresserons. Grand admirateur de Peter Brook, lecteur assidu de son enseignement, pratiquant l’art de la scène d’après L’espace vide, le grand livre du metteur en scène anglais, il est pour moi le résonateur idéal des pages de La qualité du pardon, le livre de réflexions de Peter Brook sur Shakespeare que publie les éditions du Seuil et que France Culture a souhaité faire entendre à ses auditeurs. »

Textes dits par Godefroy Ségal
Musique (viole d’amour) Julia Robert
Assistante à la réalisation Clémence Gross

Lien pour écouter le podcast: [->http://www.franceculture.fr/emission-fictions-le-feuilleton-la-qualite-du-pardon-reflexions-sur-shakespeare-15-2014-04-21]

Radio France

London

450th Birthday Celebration of William Shakespeare

Shakespeare and Opera
Music by Purcell, Bellini, Verdi, Goudod, Debussy…

Capucine Daumas, soprano
Łukasz Klimczak, baritone
Andre Flynn, narrator
Yoko Misumi, pianist

San Miguel, Mexico

Master Shakespearean actor/scholar, Tina Packer, deconstructs and conjures William Shakespeare’s most famous female characters in Women of Will, on February 16th.

Part masterclass/part performance: Funny, fierce, deep and accessible, Women of Will is the bonus content to Shakespeare’s plays that you have been searching for.

Ace actor Nigel Gore plays the Romeo to Ms. Packer’s Juliet, the Petruchio to her Kate.

Together Packer and Gore’s stage alchemy creates the Shakespeare experience that Ben Brantley of The New York Times calls, “Marvelous!” and Jennifer Farrar of Associated Press hails as “Boundless and irresistible!”

“Brilliant! Fearlessly impassioned acting that you’ll remember for as long as you live.” Wall Street Journal

” . . .distinguished first and foremost by Packer’s genuine love for the bard’s work and by her and Nigel Gore’s stunning recreations of some of Shakespeare’s most famous scenes.” Examiner .com

Tina Packer is the Founding Artistic Director of Shakespeare & Company in Lenox, Massachusetts, which she created in 1978. There she has directed more than 50 Shakespeare productions, as well as new works including four world premieres. As an actor she has played countless roles.

Tina trained at the Royal Academy of Dramatic Art, where she won the Ronson Award for Most Outstanding Performer. In Britain, she was an associate artist with the Royal Shakespeare Company, performed in the West End, and acted with repertory companies in Glasgow, Edinburgh, Leicester, and Coventry. She also has worked for the BBC and ITV television companies and in film. (2 seasons)

Paris

UN ROI, UN HOMME

Roi désemparé, vieil homme inlassable, prêt à tout pour entendre les mots de reconnaissance sinon d’amour venant de ses filles. Trop tard.

À 25 ans, à l’École de Montreuil, avec toute l’audace de la jeunesse, Christian Schiaretti monte Henri VI de Shakespeare, qu’il retrouve plus tard, lorsqu’avec toute l’ardeur de la maturité, il met en scène un mémorable Coriolan (trois fois nommé aux Molières 2009). Aujourd’hui, il aborde la randonnée dans le temps et l’espace, l’espoir et la détresse de Lear. Vieux roi prêt à tout abandonner pour entendre ses filles lui dire leur amour, alors que les deux aînées attendent depuis trop longtemps pour lui être sincèrement reconnaissantes, et que la cadette vit dans un tout autre monde… Cet homme de pouvoir désemparé, en quête d’inaccessibles certitudes, est Serge Merlin. De Shakespeare à Beckett en passant par Thomas Bernhard (Extinction, lui, seul sur scène au Théâtre de la Ville, nous accrochant à sa voix, son regard, sa respiration), il nous entraîne au bord et au-dedans de mondes instables autant qu’imprévisibles, mais dans lesquels à un moment ou un autre, chacun se reconnaît. Serge Merlin est Lear, Lear est Serge Merlin.

Colette Godard

Paris

Qu’en est-il aujourd’hui de Shakespeare, de sa place dans l’imaginaire et la création ?

Nous avons demandé aux écrivains qui entretiennent avec son œuvre un fort engagement personnel de fêter ici le 450e anniversaire de sa naissance en s’adressant directement à lui, pour lui exprimer ce qu’ils lui doivent, lui reprochent, lui envient…

Cette correspondance collective, tour à tour jubilatoire, savante, intime, légère, violente, s’ouvre sur l’histoire mouvementée de cette passion française et se clôt par un retour inattendu, où il apparaît que le fantôme du père de Hamlet n’est pas près de cesser de hanter notre temps.

Paris

FESTIVAL ROSSINI

Jean-Christophe Spinosi direction
Moshe Leiser, Patrice Caurier mise en scène
Christian Fenouillat décors
Agostino Cavalca costumes
Christophe Forey lumières

John Osborn Otello
Cecilia Bartoli Desdemona
Edgardo Rocha Rodrigo
Barry Banks Iago
Peter Kalman Elmiro
Liliana Nikiteanu Emilia
Nicola Pamio Le Doge
Enguerrand De Hys Un gondolier

Ensemble Matheus
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées

Second d’une série d’ouvrages composés pour Naples par Rossini et considéré comme l’un des sommets des opere serie du compositeur, Otello doit son livret au Marquis Francesco Berio du Salsa. L’ouvrage, créé le 4 décembre 1816, s’écarte volontairement de Shakespeare et s’appuie sur des adaptations contemporaines. Au-delà des éléments géographiques (l’action ne se déroule plus à Venise, mais à Chypre et pour cette production dans l’Italie du début des années 1960), c’est surtout dans le traitement psychologique des personnages que l’opéra de Rossini diffère de la pièce originale : le rôle de Iago perd de son importance et est moins diabolique, alors que sont introduits celui d’Elmiro, le père de Desdemona, et surtout la dimension de « racisme » dont souffre Otello (très « édulcorée » chez Boïto et Verdi plus tard). Musicalement, la priorité donnée aux ensembles sur les airs (et cela malgré la nécessaire présence de trois ténors exceptionnels) et plus encore l’orchestration pour la première fois des récitatifs chez Rossini achèvent de conférer à l’ouvrage une grandeur et une profonde originalité. Immense succès à travers toute l’Europe toute au long du XIXe siècle, la création de la version éponyme de Verdi, soixante-dix ans plus tard, le fit progressivement disparaitre de la scène jusqu’à son grand retour triomphal dans les années 1980.

Outre donc la rareté de l’ouvrage sur les scènes françaises, l’événement de cette production signée par le brillant duo Moshe Leiser et Patrice Caurier, et créée il y a deux saisons à l’Opéra de Zurich, est également la présence de Cecilia Bartoli dans le rôle-titre féminin. Une presque Première scénique parisienne pour la diva romaine si l’on excepte un espiègle Chérubin il y a près de vingt ans à l’Opéra de Paris. Après tant de grands récitals sur cette scène, elle devrait, aux côtés du ténor américain John Osborn, illuminer quelques-unes des soirées lyriques du printemps 2014.

Paris

Daniel Loayza – pourriez-vous nous dire deux mots de la société que vous présidez ?
Dominique Goy-Blanquet[[Dominique Goy-Blanquet est également professeur émérite de littérature élisabéthaine à l’Université de Picardie et membre du comité de rédaction de La Quinzaine Littéraire.]] – La Société Française Shakespeare (SFS) va fêter ses quarante ans l’an prochain, entre les deux grandes commémorations shakespeariennes. Elle a été fondée par un groupe d’universitaires, dont Jean Jacquot, l’auteur de Shakespeare en France, qui a été un peu le pionnier, au CNRS, de ce qu’on appelle aujourd’hui les études théâtrales. On a tendance à oublier qu’à l’époque où j’étais étudiante, on traitait encore les textes de théâtre comme des objets littéraires parmi d’autres, sans particularité notable. il y avait aussi Richard Marienstras, dont je viens d’éditer chez Gallimard une importante œuvre posthume : Shakespeare et le désordre du monde, Marie-Thérèse Jones-Davies, Robert Ellrodt, Henri Fluchère… L’idée était de créer un lieu de rencontre et de discussion qui prendrait en compte tous les aspects de la recherche et de la création autour de Shakespeare. d’où l’idée d’organiser des congrès, et d’inviter non seulement des professeurs ou des critiques, français et étrangers, mais aussi des praticiens : scénographes, metteurs en scène, acteurs, dramaturges, ou d’autres personnalités, des psychanalystes, par exemple… Au début, les relations n’étaient pas toujours simples… mais la SFS a toujours lutté contre une certaine tradition très française de cloisonnement, de division. En Angleterre, les relations entre la scène et l’université sont depuis toujours beaucoup plus ouvertes et cordiales. Il est vrai que là-bas, les grands acteurs et metteurs en scène shakespeariens, à commencer par Peter Brook, sont eux-mêmes très souvent issus de l’université. D’ailleurs, la pratique théâtrale y est tout naturellement implantée dans le cursus secondaire. Sur ce terrain, les choses ont commencé à bouger en France, mais beaucoup reste à faire. La SFS y a contribué et entend bien continuer. Et si j’avais un souhait pour l’avenir, ce serait que notre société s’ouvre encore davantage. je pense en particulier aux enseignants du secondaire. De ce côté-là, on a lancé plusieurs initiatives, notamment avec l’appui de Françoise Gomez, une inspectrice très énergique et enthousiaste toujours en première ligne dès qu’il s’agit de théâtre. J’invite donc tous ceux qui veulent en savoir plus à nous visiter sur notre site. Vous pourrez y consulter les actes de nos précédents congrès. Tout le monde peut être membre de la SFS. Nous ne sommes pas une enclave d’universitaires, ni même d’anglicistes !

D. L. – Votre congrès 2014 doit d’ailleurs s’ouvrir à l’Odéon-Théâtre de l’Europe…
D. G.-B. – Ce sera une belle occasion de toucher un public plus large, lors d’une semaine qui célèbrera le 450e anniversaire de Shakespeare, la date officielle de sa naissance étant le 23 avril, fête de Saint Georges, patron de l’Angleterre. Notre journée inaugurale se tiendra au Théâtre de l’Odéon. beaucoup d’autres manifestations sont prévues, en Sorbonne, au musée Delacroix, au musée Victor Hugo, à l’Auditorium Saint-Germain, au cinéma le Louxor. Entre autres !

D. L. – Quelles sortes de fils thématiques avez-vous déjà dégagés ?
D. G.-B. – Avec Florence Naugrette, qui est une spécialiste du théâtre romantique, nous avons de la matière pour un mois de lectures, et nous continuons à en trouver tous les jours. Par exemple, il y a eu autour d’Hamlet et d’Ophélie une production énorme de documents qui s’enchaînent au fil des années et des différentes mises en scène. On peut observer comment le personnage d’Ophélie évolue tout au long du XIXe siècle, de Théophile Gautier à Joris-Karl Huysmans. même chose pour ce qu’on peut appeler l’hamlétisme : très vite, le prince du Danemark est assimilé à une figure du poète ou du penseur, dont on peut suivre les avatars jusqu’à Mallarmé, Laforgue, Claudel et au-delà. Autre exemple, la création fin 1829 du More de Venise, la version d’Othello qu’a donnée alfred de Vigny. Elle a donné lieu à une véritable bataille. Toute la jeune génération romantique est impliquée. Dès le lendemain de la première, Victor Hugo rencontre Sainte-Beuve et revendique la victoire : grâce à eux, lui dit-il, tout s’est passé au mieux. Quelque temps après, Hugo écrit au même Sainte-Beuve pour lui faire part de ses griefs : tous comptes faits, Vigny n’est qu’un ingrat – alors que lui, Hugo, l’avait soutenu de ses applaudissements frénétiques, et qu’il avait laissé passer Le More avant Hernani, qui était prévu pour le précéder à l’affiche ! Si je parle de bataille, c’est qu’il s’agit manifestement d’un épisode de la guerre que se mènent, dans ces années-là, depuis le Racine et Shakespeare de Stendhal, les défenseurs de la tradition française et les admirateurs du dramaturge anglais. Alexandre Dumas en parle bel et bien comme d’un combat où la jeune troupe romantique composée, dit-il, de «fils de généraux» brûlant d’en découdre pour une noble cause, aurait eu grand besoin d’un meneur d’hommes plus inspiré et engagé que Vigny, ce condottiere qui ne touchait pas le sol… Le langage est extrêmement militaire ! On est quasiment dans une répétition générale de ce qui sera la grande bataille du romantisme naissant, celle d’Hernani, quatre mois plus tard. On retrouve les mêmes querelles, y compris sur les questions de forme. On critique les choix de Vigny, qui a osé maintenir dans sa version des accessoires aussi vulgaires et triviaux que le mouchoir de Desdémone ou l’oreiller avec lequel Othello l’étouffe ! Les classiques réclament le respect du décorum, tandis que les romantiques revendiquent le mélange des genres qu’on leur reproche. cette discussion-là s’engage à l’orée du romantisme naissant et va déterminer toute la suite.

D. L. – Tout bascule en 1830, avec la Révolution de Juillet…
D. G.-B. – Oui. c’est un tournant majeur dans notre histoire politique et esthétique. Voilà aussi pourquoi nous tenions tant à organiser ces séances à l’Odéon, qui est en 1827 le lieu où commence véritablement la passion française pour Shakespeare lors d’une représentation de Hamlet. Dans ces années-là, l’influence du dramaturge a été séminale. On le retrouve un peu partout. je relisais tout récemment Mademoiselle de Maupin – non seulement Comme il vous plaira intervient au milieu du roman, mais c’est toute l’intrigue qui tourne autour d’une jeune et belle héroïne déguisée en homme… ce qui se passe en amont, entre 1800 et 1825, est moins connu mais non moins intéressant. Nous avons prévu de parler des débuts de la vogue shakespearienne en france. Et de l’influence de certains passeurs. Chateaubriand est le plus vénérable, mais on le sent encore réticent, imprégné de classicisme. comme Charles Nodier, qui dans un premier temps se montre à la fois fasciné et réservé devant certains aspects de l’œuvre. Ce qui n’empêche pas celui qui fut le mentor du jeune Hugo de poser très tôt, dès avant Stendhal, les enjeux du conflit à venir.

D. L. – Finalement, cet atelier s’avère être plus romantique que romanesque ?
D. G.-B. – Je comprends que vous ayez l’impression que le romantisme domine : je vous ai cité Dumas, Hugo ou Gautier. Il y a aussi Flaubert qui intervient dans la deuxième soirée, «du grotesque au sublime»… Je ne vous ai pas tout raconté ! Saviez-vous que Flaubert, au moment où il écrit Madame Bovary, est plongé dans la lecture de Shakespeare ? Cela revient constamment dans sa correspondance. son traitement de la mort d’Emma est manifestement influencé par sa façon d’appréhender le mélange shakespearien du grotesque et du pathétique. Et à propos d’empoisonnement, Alexandre Dumas fournit un autre bel exemple dans La Reine Margot – je pense à ce chapitre intitulé «la sueur de sang», où le roi Charles IX à l’agonie impose sa volonté à sa mère, Catherine de Médicis… Cette soirée- là commencera avec la préface de Cromwell, elle-même très nourrie de Nodier et des travaux de Guizot – Hugo affiche une grande hostilité à son égard, mais en fait, il s’en est beaucoup servi et inspiré. On croisera aussi Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Îsle- Adam – il y a dans ses Contes Cruels un texte merveilleux, «Le désir d’être un homme»… Les romanciers sont donc bien là. Proust est du nombre, et Gide, et Yourcenar. Nous pensons terminer avec un très joli passage d’elle sur le rêve. Cela dit, l’influence de Shakespeare décroît très sensiblement au XXe siècle. Après 1945, Shakespeare semble intéresser surtout les universitaires et les gens de théâtre. On trouve beaucoup moins de traces de lui chez les plasticiens, les compositeurs, les danseurs, alors que jusqu’au début du XXe, les créateurs étaient encore imprégnés de son univers. Et le disaient. Il y a de superbes exceptions, bien sûr : Valère Novarina, Yves Bonnefoy… À l’occasion du congrès «Shakespeare 450», j’ai demandé à des écrivains qui avaient une relation manifeste à son œuvre d’écrire une lettre à Shakespeare. Le livre va paraître en mars aux éditions Thierry marchaisse. Peut-être en lirons-nous quelques extraits : le genre épistolaire se prête bien à la lecture !

Propos recueillis par Daniel Loayza le 13 janvier 2014
Lettres de l'Odéon n9 -extrait