Paris

FESTIVAL ROSSINI

Jean-Christophe Spinosi direction
Moshe Leiser, Patrice Caurier mise en scène
Christian Fenouillat décors
Agostino Cavalca costumes
Christophe Forey lumières

John Osborn Otello
Cecilia Bartoli Desdemona
Edgardo Rocha Rodrigo
Barry Banks Iago
Peter Kalman Elmiro
Liliana Nikiteanu Emilia
Nicola Pamio Le Doge
Enguerrand De Hys Un gondolier

Ensemble Matheus
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées

Second d’une série d’ouvrages composés pour Naples par Rossini et considéré comme l’un des sommets des opere serie du compositeur, Otello doit son livret au Marquis Francesco Berio du Salsa. L’ouvrage, créé le 4 décembre 1816, s’écarte volontairement de Shakespeare et s’appuie sur des adaptations contemporaines. Au-delà des éléments géographiques (l’action ne se déroule plus à Venise, mais à Chypre et pour cette production dans l’Italie du début des années 1960), c’est surtout dans le traitement psychologique des personnages que l’opéra de Rossini diffère de la pièce originale : le rôle de Iago perd de son importance et est moins diabolique, alors que sont introduits celui d’Elmiro, le père de Desdemona, et surtout la dimension de « racisme » dont souffre Otello (très « édulcorée » chez Boïto et Verdi plus tard). Musicalement, la priorité donnée aux ensembles sur les airs (et cela malgré la nécessaire présence de trois ténors exceptionnels) et plus encore l’orchestration pour la première fois des récitatifs chez Rossini achèvent de conférer à l’ouvrage une grandeur et une profonde originalité. Immense succès à travers toute l’Europe toute au long du XIXe siècle, la création de la version éponyme de Verdi, soixante-dix ans plus tard, le fit progressivement disparaitre de la scène jusqu’à son grand retour triomphal dans les années 1980.

Outre donc la rareté de l’ouvrage sur les scènes françaises, l’événement de cette production signée par le brillant duo Moshe Leiser et Patrice Caurier, et créée il y a deux saisons à l’Opéra de Zurich, est également la présence de Cecilia Bartoli dans le rôle-titre féminin. Une presque Première scénique parisienne pour la diva romaine si l’on excepte un espiègle Chérubin il y a près de vingt ans à l’Opéra de Paris. Après tant de grands récitals sur cette scène, elle devrait, aux côtés du ténor américain John Osborn, illuminer quelques-unes des soirées lyriques du printemps 2014.

Paris

Daniel Loayza – pourriez-vous nous dire deux mots de la société que vous présidez ?
Dominique Goy-Blanquet[[Dominique Goy-Blanquet est également professeur émérite de littérature élisabéthaine à l’Université de Picardie et membre du comité de rédaction de La Quinzaine Littéraire.]] – La Société Française Shakespeare (SFS) va fêter ses quarante ans l’an prochain, entre les deux grandes commémorations shakespeariennes. Elle a été fondée par un groupe d’universitaires, dont Jean Jacquot, l’auteur de Shakespeare en France, qui a été un peu le pionnier, au CNRS, de ce qu’on appelle aujourd’hui les études théâtrales. On a tendance à oublier qu’à l’époque où j’étais étudiante, on traitait encore les textes de théâtre comme des objets littéraires parmi d’autres, sans particularité notable. il y avait aussi Richard Marienstras, dont je viens d’éditer chez Gallimard une importante œuvre posthume : Shakespeare et le désordre du monde, Marie-Thérèse Jones-Davies, Robert Ellrodt, Henri Fluchère… L’idée était de créer un lieu de rencontre et de discussion qui prendrait en compte tous les aspects de la recherche et de la création autour de Shakespeare. d’où l’idée d’organiser des congrès, et d’inviter non seulement des professeurs ou des critiques, français et étrangers, mais aussi des praticiens : scénographes, metteurs en scène, acteurs, dramaturges, ou d’autres personnalités, des psychanalystes, par exemple… Au début, les relations n’étaient pas toujours simples… mais la SFS a toujours lutté contre une certaine tradition très française de cloisonnement, de division. En Angleterre, les relations entre la scène et l’université sont depuis toujours beaucoup plus ouvertes et cordiales. Il est vrai que là-bas, les grands acteurs et metteurs en scène shakespeariens, à commencer par Peter Brook, sont eux-mêmes très souvent issus de l’université. D’ailleurs, la pratique théâtrale y est tout naturellement implantée dans le cursus secondaire. Sur ce terrain, les choses ont commencé à bouger en France, mais beaucoup reste à faire. La SFS y a contribué et entend bien continuer. Et si j’avais un souhait pour l’avenir, ce serait que notre société s’ouvre encore davantage. je pense en particulier aux enseignants du secondaire. De ce côté-là, on a lancé plusieurs initiatives, notamment avec l’appui de Françoise Gomez, une inspectrice très énergique et enthousiaste toujours en première ligne dès qu’il s’agit de théâtre. J’invite donc tous ceux qui veulent en savoir plus à nous visiter sur notre site. Vous pourrez y consulter les actes de nos précédents congrès. Tout le monde peut être membre de la SFS. Nous ne sommes pas une enclave d’universitaires, ni même d’anglicistes !

D. L. – Votre congrès 2014 doit d’ailleurs s’ouvrir à l’Odéon-Théâtre de l’Europe…
D. G.-B. – Ce sera une belle occasion de toucher un public plus large, lors d’une semaine qui célèbrera le 450e anniversaire de Shakespeare, la date officielle de sa naissance étant le 23 avril, fête de Saint Georges, patron de l’Angleterre. Notre journée inaugurale se tiendra au Théâtre de l’Odéon. beaucoup d’autres manifestations sont prévues, en Sorbonne, au musée Delacroix, au musée Victor Hugo, à l’Auditorium Saint-Germain, au cinéma le Louxor. Entre autres !

D. L. – Quelles sortes de fils thématiques avez-vous déjà dégagés ?
D. G.-B. – Avec Florence Naugrette, qui est une spécialiste du théâtre romantique, nous avons de la matière pour un mois de lectures, et nous continuons à en trouver tous les jours. Par exemple, il y a eu autour d’Hamlet et d’Ophélie une production énorme de documents qui s’enchaînent au fil des années et des différentes mises en scène. On peut observer comment le personnage d’Ophélie évolue tout au long du XIXe siècle, de Théophile Gautier à Joris-Karl Huysmans. même chose pour ce qu’on peut appeler l’hamlétisme : très vite, le prince du Danemark est assimilé à une figure du poète ou du penseur, dont on peut suivre les avatars jusqu’à Mallarmé, Laforgue, Claudel et au-delà. Autre exemple, la création fin 1829 du More de Venise, la version d’Othello qu’a donnée alfred de Vigny. Elle a donné lieu à une véritable bataille. Toute la jeune génération romantique est impliquée. Dès le lendemain de la première, Victor Hugo rencontre Sainte-Beuve et revendique la victoire : grâce à eux, lui dit-il, tout s’est passé au mieux. Quelque temps après, Hugo écrit au même Sainte-Beuve pour lui faire part de ses griefs : tous comptes faits, Vigny n’est qu’un ingrat – alors que lui, Hugo, l’avait soutenu de ses applaudissements frénétiques, et qu’il avait laissé passer Le More avant Hernani, qui était prévu pour le précéder à l’affiche ! Si je parle de bataille, c’est qu’il s’agit manifestement d’un épisode de la guerre que se mènent, dans ces années-là, depuis le Racine et Shakespeare de Stendhal, les défenseurs de la tradition française et les admirateurs du dramaturge anglais. Alexandre Dumas en parle bel et bien comme d’un combat où la jeune troupe romantique composée, dit-il, de «fils de généraux» brûlant d’en découdre pour une noble cause, aurait eu grand besoin d’un meneur d’hommes plus inspiré et engagé que Vigny, ce condottiere qui ne touchait pas le sol… Le langage est extrêmement militaire ! On est quasiment dans une répétition générale de ce qui sera la grande bataille du romantisme naissant, celle d’Hernani, quatre mois plus tard. On retrouve les mêmes querelles, y compris sur les questions de forme. On critique les choix de Vigny, qui a osé maintenir dans sa version des accessoires aussi vulgaires et triviaux que le mouchoir de Desdémone ou l’oreiller avec lequel Othello l’étouffe ! Les classiques réclament le respect du décorum, tandis que les romantiques revendiquent le mélange des genres qu’on leur reproche. cette discussion-là s’engage à l’orée du romantisme naissant et va déterminer toute la suite.

D. L. – Tout bascule en 1830, avec la Révolution de Juillet…
D. G.-B. – Oui. c’est un tournant majeur dans notre histoire politique et esthétique. Voilà aussi pourquoi nous tenions tant à organiser ces séances à l’Odéon, qui est en 1827 le lieu où commence véritablement la passion française pour Shakespeare lors d’une représentation de Hamlet. Dans ces années-là, l’influence du dramaturge a été séminale. On le retrouve un peu partout. je relisais tout récemment Mademoiselle de Maupin – non seulement Comme il vous plaira intervient au milieu du roman, mais c’est toute l’intrigue qui tourne autour d’une jeune et belle héroïne déguisée en homme… ce qui se passe en amont, entre 1800 et 1825, est moins connu mais non moins intéressant. Nous avons prévu de parler des débuts de la vogue shakespearienne en france. Et de l’influence de certains passeurs. Chateaubriand est le plus vénérable, mais on le sent encore réticent, imprégné de classicisme. comme Charles Nodier, qui dans un premier temps se montre à la fois fasciné et réservé devant certains aspects de l’œuvre. Ce qui n’empêche pas celui qui fut le mentor du jeune Hugo de poser très tôt, dès avant Stendhal, les enjeux du conflit à venir.

D. L. – Finalement, cet atelier s’avère être plus romantique que romanesque ?
D. G.-B. – Je comprends que vous ayez l’impression que le romantisme domine : je vous ai cité Dumas, Hugo ou Gautier. Il y a aussi Flaubert qui intervient dans la deuxième soirée, «du grotesque au sublime»… Je ne vous ai pas tout raconté ! Saviez-vous que Flaubert, au moment où il écrit Madame Bovary, est plongé dans la lecture de Shakespeare ? Cela revient constamment dans sa correspondance. son traitement de la mort d’Emma est manifestement influencé par sa façon d’appréhender le mélange shakespearien du grotesque et du pathétique. Et à propos d’empoisonnement, Alexandre Dumas fournit un autre bel exemple dans La Reine Margot – je pense à ce chapitre intitulé «la sueur de sang», où le roi Charles IX à l’agonie impose sa volonté à sa mère, Catherine de Médicis… Cette soirée- là commencera avec la préface de Cromwell, elle-même très nourrie de Nodier et des travaux de Guizot – Hugo affiche une grande hostilité à son égard, mais en fait, il s’en est beaucoup servi et inspiré. On croisera aussi Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Îsle- Adam – il y a dans ses Contes Cruels un texte merveilleux, «Le désir d’être un homme»… Les romanciers sont donc bien là. Proust est du nombre, et Gide, et Yourcenar. Nous pensons terminer avec un très joli passage d’elle sur le rêve. Cela dit, l’influence de Shakespeare décroît très sensiblement au XXe siècle. Après 1945, Shakespeare semble intéresser surtout les universitaires et les gens de théâtre. On trouve beaucoup moins de traces de lui chez les plasticiens, les compositeurs, les danseurs, alors que jusqu’au début du XXe, les créateurs étaient encore imprégnés de son univers. Et le disaient. Il y a de superbes exceptions, bien sûr : Valère Novarina, Yves Bonnefoy… À l’occasion du congrès «Shakespeare 450», j’ai demandé à des écrivains qui avaient une relation manifeste à son œuvre d’écrire une lettre à Shakespeare. Le livre va paraître en mars aux éditions Thierry marchaisse. Peut-être en lirons-nous quelques extraits : le genre épistolaire se prête bien à la lecture !

Propos recueillis par Daniel Loayza le 13 janvier 2014
Lettres de l'Odéon n9 -extrait

Paris

Shylock prononce dans Le Marchand de Venise l’un des plus vibrants plaidoyers du répertoire au nom de l’humanité commune, et les plus sanguinaires cris de vengeance. Face à la société vénitienne qui affiche les principes généreux de l’Evangile, le Juif démasque l’hypocrisie des conduites, mais Jessica jette par les fenêtres l’argent de l’usure pour payer son passage dans le monde chrétien. Le dénouement « offre » à son père la même porte de salut, en le convertissant de force et en le dépouillant de ses biens.

Antisémitisme ou antijudaïsme ? Cette question et d’autres seront posées à Gisèle
Venet, éditrice du texte pour la Pléiade, et Stéphane Braunschweig, metteur en scène du Marchand, à la lumière d’extraits de plusieurs adaptations cinématographiques de la pièce et de moments de lecture par Gérard Desarthe dans la traduction de Jean-Michel Déprats.

Paris, Lyon, Montpellier, Lille, Strasbourg, Rennes, Bordeaux…

Joss Whedon livre une vision très personnelle et contemporaine de la célèbre comédie de Shakespeare, filmée en seulement 12 jours d’après le texte original. L’histoire des amoureux contrariés Béatrice et Bénédict dévoile la part sombre, frivole et parfois absurde du jeu complexe qu’est l’amour.

« De retour de la guerre, Don Pédro et ses fidèles compagnons d’armes, Bénédict et Claudio, rendent visite au seigneur Léonato, gouverneur de Messine. Dans sa demeure, les hommes vont se livrer à une autre guerre. Celle de l’amour. Et notamment celle qui fait rage entre Béatrice et Bénédict, que leur entourage tente de réconcilier tout en essayant de déjouer les agissements malfaisants de Don Juan. »

Malakoff

Macbeth est à sa lady ce que Roméo est à sa Juliette : jamais l’un sans l’autre. Ces siamois-là, animés d’une fureur désespérée et avides de pouvoir, sont la cruauté incarnée d’une tragédie abyssale et mythique de l’histoire du théâtre. Macbeth, victorieux de la guerre qu’il a menée pour le roi, rencontre trois sorcières qui lui prédisent qu’il montera sur le trône. Encouragé aux crimes et aux méfaits par son épouse plus ambitieuse que lui encore, cette révélation le compromet dans un plan qui de toutes parts va le dépasser. Voilà une pièce de chair et de sang comme aime à les régler Anne-Laure Liégeois avec à son brillant actif deux des plus grands titres du théâtre élisabéthain : La Duchesse de Malfi et Édouard II. Avec Shakespeare, elle parfait sa maîtrise des mécaniques infernales, s’empare des ressorts du couple bercé d’illusions et dévoré par l’envie, pour rendre la puissance métaphorique du verbe et jouer de nos travers.

DISTRIBUTION

texte William Shakespeare

traduction Yves Bonnefoy

mise en scène Anne-Laure Liégeois

avec Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Pauline Belle, Sébastien Bravard, Elsa Canovas, Alessandro de Pascale, Philippe Houriet, Pauline Masse, Noé Mercier, Sarah Pasquier, Jean-François Pellez, Jérémy Petit, Loïc Renard, Alexandre Ruby, Charles-Antoine Sanchez, Willie Schwartz

scénographie Alice Duchange et Anne-Laure Liégeois

lumières Dominique Borrini

costumes Elisa Ingrassia et Anne-Laure Liégeois

réalisation sonore François Leymarie

assistantes à la mise en scène Marie-Charlotte Biais et Martine Bardol

régie générale Antoine Gianforcaro

régie lumière Patrice Lechevallier

régie son Guillaume Monard

construction du décor Ateliers du Grand T- Nantes chef constructeur François Corbal

Paris

Mise en scène: Muriel Mayette-Holtz

Administratrice générale de la Comédie-Française depuis 2006, Muriel Mayette entre comme comédienne en 1985 à sa sortie du Conservatoire et en devient la 477ème sociétaire en 1988. Elle y interprète de nombreux rôles sous les directions notamment d’Antoine Vitez, de Claude Régy, de Jacques Lassalle, de Matthias Langhoff et d’Alain Françon. Elle poursuit parallèlement une carrière de metteur en scène (Fernand Crommelynk, Thomas Bernhard, Bernard-Marie Koltès, Pierre Corneille, Georges Feydeau, Dario Fo, Racine et Shakespeare). Elle monte notamment une adaptation en épisodes du Conte d’hiver au Studio-Théâtre (2004). Elle choisit cette fois de mettre en scène les fantasmes secrets inspirés par l’amour. Ce songe se jouera dans le creux du lit des rêves, un lit où tous les jeux sont permis avant que le jour ne se lève.

Distribution

  • Martine Chevallier: Titania
  • Michel Vuillermoz: Thésée
  • Julie Sicard: Hippolyta
  • Christian Hecq: Obéron
  • Stéphane Varupenne: Lecoing
  • Suliane Brahim: Hermia
  • Jérémy Lopez: Bottom
  • Adeline d’Hermy: Hélèna
  • Elliot Jenicot: Egée et La Fée
  • Laurent Lafitte: Démétrius
  • Louis Arene: Puck
  • Benjamin Lavernhe: Flûte
  • Pierre Hancisse: Philostrate (en alternance)
  • Sébastien Pouderoux: Lysandre

Élèves-comédiens :
Fleur des Pois : Heidi-Eva Clavier
Toile d’Araignée : Lola Felouzis
Groin : Matëj Hofmann
Latige : Paul McAleer
Grain de Moutarde : Pauline Tricot
Etriqué : Gabriel Tur

Équipe artistique :
Mise en scène : Muriel Mayette-Holtz
Scénographie : Didier Monfajon
Assistante à la scénographie : Dominique Schmitt
Costumes : Sylvie Lombart
Lumières : Pascal Noël
Musique originale et direction des chants : Cyril Giroux
Maquillages : Carole Anquetil
Dramaturge : Laurent Muhleisen

Paris

L’homme qui se présente à nous a une mission à accomplir : il doit chaque soir raconter l’épopée du Roi Lear. Mais il se heurte toujours à une impossibilité : tous les personnages tapis dans l’ombre de lui-même veulent prendre la parole, changer le cours de l’histoire, chacun dans sa drôlerie tragique et chaque soir, il est laissé pour mort.

Ce soir, pourtant, l’homme conteur ira au bout de son récit et sera confronté à une carte à jouer un peu spéciale qui lui posera une énigme.

Une femme, toujours présente par son chant et les sons électroniques qu’elle produit, le suit dans l’ombre, révèle les personnages qui le hantent.

Paris

« Le Studio 7 est un groupe de jeunes acteurs russes aux talents remarquables qui renouvellent radicalement la scène théâtrale moscovite. À peine sortis de l’école du MXAT, où leur promotion a fait sensation, ils ont constitué le Studio 7 du Théâtre d’Art, dirigé par Kirill Serebrennikov. J’ai rencontré mes acteurs russes quand ils étaient encore à l’école du Théâtre d’art, depuis ils se sont constitués en compagnie avec le metteur en scène Kirill Serebrennikov qui est comme un frère pour moi. Aujourd’hui nous sommes installés au Gogol Center. Et ces acteurs là créent événements à chacune de leurs créations, ils viennent par exemple de gagner le masque d’or l’année passée, le prix de la critique pour Fairies… Ils sont vraiment très impressionnants, j’ai été saisi lorsque je les ai rencontré de leur intelligence, de leur savoir faire, de leur savoir être et de leurs capacités physiques. Ils ont des présences brutes sur le plateau, une énergie folle et une grande humilité. J’ai eu envie de partager avec eux mon expérience de ce texte de Shakespeare, persuadé que je peux encore découvrir énormément sur ce texte grâce à eux. J’ai déjà créé plusieurs spectacles avec ces acteurs, plusieurs performances, notre histoire continue de s’écrire et n’est pas prête de s’arrêter. J’ai tout fait pour que nous puissions montrer ces travaux sur les scènes françaises et je suis très heureux de ce triple accueil aux Gémeaux et au Théâtre National de Chaillot (Hamlet, Metamorphosis, Le songe d’une nuit d’été) qui offrira aux publics d’Île-de-France, une belle occasion de découvrir le talent de ces artistes impressionnants. Après le succès de sa création française du texte de Shakespeare, David Bobee réadapte pour eux sa mise en scène au Gogol Center. Un spectacle dynamique, à l’esthétique cinématographique porté par l’énergie renversante de ces acteurs russes. Hamlet dans un palais de carrelage noir, un espace dur, froid, humide ; Elseneur en chambre froide. Une morgue cathédrale inondée d’une eau noire. Un espace sombre comme l’intérieur d’un crâne, qui se transforme peu à peu en morgue contemporaine avec tiroirs réfrigérés, tables de thanatopraxie et le corps du père d’Hamlet gisant. La mort dans ce qu’elle a de plus brutal et de moins romantique. Et pas de crâne dans la main d’Hamlet, surtout pas de crâne, juste quelques fragments d’os, un crâne explosé, exposé dont il ne reste rien. Pas de romantisme. Une vanité oui mais du XXIe siècle donc violente et fragmentaire.

Hamlet, pour moi, est quelqu’un qui utilise tous les outils à sa disposition, y compris le théâtre, pour questionner son environnement. Il a des interrogations à la fois intimes et politiques qui résonnent avec ce que j’explore dans mes spectacles depuis toujours : la présence de la mort, du deuil, la catastrophe comme révélateur ou élément perturbateur… Hamlet n’a pas la connaissance, il a l’intuition de la vérité. De mon côté, j’ai l’intuition de ce texte-là, l’intuition qu’il a de grandes résonances par rapport à mon travail, par rapport à moi, et par rapport à notre époque. Le père d’Hamlet est roi, le père d’Hamlet meurt, Hamlet ne devient pas roi. Dès l’ouverture du spectacle, l’ordre du monde – naturel, sociétal, familial, intime – est brisé, bouleversé. Alors, la question « qui suis-je ? » commence à résonner, la naissance de la conscience, de l’individu acteur du monde. Shakespeare cristallise ici son époque : la fin d’un monde et la renaissance d’un autre. Cela fait sens aujourd’hui : comment agir sur un monde en crise, et en proposer un renversement. Être ou ne pas être revient à dire cela : agir ou ne pas agir. S’engager dans l’action au risque de mourir et de ne plus être ou bien ne rien faire, laisser le monde en l’état, rater sa vie et finalement n’être pas. »

Paris

Une exposition ludique pour adultes à partir de 10 ans, aux confins du théâtre, de la littérature et des sciences.

L’exposition Shakesperama a été entièrement imaginée par le magicien Abdul Alafrez.
Son pari ? Vous propulser au milieu d’hallucinations shakespeariennes !

Abdul Alafrez, « sculpteur d’illusion », a exercé ses talents dans de nombreux théâtres et opéras de France et d’Europe.

On peut dire de ce créateur d’effets spéciaux et d’installations magiques hors normes qu’il est le maître incontesté de l’illusion comique.

Ce qu’il appelle son train-fantôme shakespearien sera à quai dans le hall de la MC93, attendant que vous embarquiez à bord à vos risques et périls…

L’exposition, dans la tradition des amusements optiques très en vogue à la Renaissance, se composera de cinq installations, évoquant chacune des pièces de Shakespeare, dont Hamlet, Titus Andronicus, Macbeth, Le Marchand de Venise et Le Songe d’une nuit d’été. En devenant acteur de cet univers shakespearien, vous aurez les drôles d’opportunités de siéger à un banquet cannibale où l’on vous servira sur un plateau votre propre tête, de rejoindre les abysses des oubliettes et cachots élisabéthains ou encore de vous égarer la nuit dans une forêt fantomatique.

Paris

1er avril 2014 / 18h: La Tempête, William Shakespeare

avec Yves Bonnefoy, textes lus par Martin Juvanon du Vachat
Pas d’œuvre de Shakespeare qui soit davantage une réflexion sur la nature essentielle du théâtre, c’est-à-dire aussi de la poésie. Mais ce n’est pas tout à fait de la façon que l’on pourrait croire. Prospero ne signifie le poète que pour autant qu’on décèle en lui des ambiguïtés, des contradictions, tout un rêve qui risque de ruiner la sorte de conscience de soi et du monde qui assure une vraie et pleine poésie.
Yves Bonnefoy

Mardi 27 mai / 18h: Comme il vous plaira de William Shakespeare

avec Jean-Michel déprats et Gisèle Venet, textes lus par Marie Micla

Comment faire tenir en une seule comédie une usurpation cruelle qui manque de tourner au tragique ? une pastorale sévère sur laquelle souffle le vent d’hiver ? une pastorale aimable mais occupée d’une cour d’amour d’homme à homme, celle à qui elle s’adresse étant pour l’heure déguisée en berger ? lequel déguisement crée la zizanie dans un couple de pastoureaux d’opérette dont la femme s’éprend d’une femme, faute desavoirquisecachesousleshabitsdumystifiantberger? Il faut toute l’insolente désinvolture de Shakespeare avec les héritages littéraires pour que la forêt des Ardennes chère à Pétrarque devienne une Forêt d’Arden anglaise où se rencontrent un duc exilé en Robin des bois et des amants qui souffrent de la blessure délicieuse sous des déguisements incongrus ; et pour que le genre compassé de la pastorale soit bouleversé par la rencontre d’un bouffon rustique et d’un philosophe venu nous rassurer: la vie est un théâtre…
Gisèle Venet

29 avril – 7 mai: Shakespeare dans l’atelier Romanesque: Rencontres

animées par Dominique Goy-Blanquet, Florence Naugrette, Daniel Loayza

La passion française pour Shakespeare commence un jour de septembre 1827 où Alexandre Dumas quitte son bureau de bonne heure pour se rendre à la première de Hamlet au Théâtre de l’Odéon et retrouve dans la salle Victor Hugo, Charles Nodier, Delacroix, Berlioz, Théophile Gautier, Vigny… Passion que Berlioz résume ainsi : «Shakespeare, en tombant sur moi à l’improviste, me foudroya. son éclair, en m’ouvrant le ciel de l’art avec un fracas sublime, m’en illumina les plus lointaines profondeurs.» Tous, au cours des années suivantes, vont traduire dans leurs compositions l’incandescence de cette rencontre. La jeune génération se divise en deux camps, note Théodore de Banville, «d’une part les romantiques, et de l’autre, les imbéciles», le mot romantique venant à signifier pour le second groupe «homme qui connaît Shakespeare et avoue qu’il le connaît». Il pointe le début de l’hamlétisme : «Toutes les récentes névroses compliquées, musicales, idéalement torturées par la soif de l’exquis quintessencié, qui se croient si modernes, et le sont, viennent en droite ligne d’Elseneur.»

  • Le doute et les ombres : mardi 29 avril / 18h
  • Du grotesque au sublime : mercredi 30 avril / 18h
  • Les passions funestes, crimes et vengeance : mardi 6 mai / 18h
  • Jeux d’illusions, masques et dédoublements : mercredi 7 mai / 18h

en partenariat avec la Société Française Shakespeare et Shakespeare 450